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Le fait de savoir si le Saint-Empire romain germanique constituait un État est, en soi, une question peu stimulante, la réponse dépendant qui plus est des représentations fondamentales que l’on se fait de l’État. La recherche allemande, obsédée par le modèle de l’État national souverain, s’est accordée à penser pendant près d’un siècle et demi et en dépit de toutes les ruptures institutionnelles que l’Empire ne formait pas un État. En référence à cette tradition, l’introduction du concept d’« Empire-État complémentaire » (« komplementärer Reichs-Staat ») a mis en émoi une partie de la communauté des historiens modernistes germanophones, tandis qu’une autre part accueillait avec sérénité ou bienveillance ce nouveau modèle interprétatif. On pourrait ce faisant et en s’appuyant sur l’historicité de la formation de « l’État » procéder à l’analyse de l’Empire à partir de divers modèles. Mais une telle approche n’est pas sans conséquences sur l’appréciation de l’histoire allemande dans son ensemble. Définir l’Empire comme État et nation bouscule sensiblement le « grand récit » traditionnel : l’écart par rapport à une voie réputée normale de l’histoire européenne a jusqu’à présent conféré au passé allemand une signification pourvue d’une finalité tantôt légitimante tantôt déstructurante, mais toujours facteur d’intégration politique. Le concept d’Empire-État complémentaire ébranle l’idée de la singularité de l’histoire allemande moderne* sur un point capital, car il facilite la comparaison avec d’autres pays et oblige à considérer l’Allemagne comme partie prenante de l’Europe des États modernes. La notion d’Empire-État complémentaire ne peut dès lors servir ni de point de départ d’une « voie allemande particulière », ni d’archétype ou de modèle supra-étatique et supranational, ou d’équivalent fonctionnel de l’Europe contemporaine. ...
Le concept d’autorégulation régulée, réponse la plus récente aux défauts, perceptibles depuis longtemps, de la direction impérative de processus sociaux par l’État, n’a pas encore incité les chercheurs à se demander s’il existait, dans l’histoire de l’État constitutionnel, une tradition pour cette forme de régulation. Quand on s’en met en quête, comme les organisateurs de ce colloquea l’attendent de moi, on a du mal à lui découvrir des précurseurs dissimulés. Il est en revanche tout à fait possible de considérer l’État constitutionnel, tel qu’il est né des révolutions de la fin du XVIIIe siècle et s’est développé depuis lors comme un modèle dominant d’organisation sociale, du point de vue de la régulation afin d’éclairer la genèse de ce nouveau concept et de se demander comment il s’inscrit dans la tradition de l’État constitutionnel. ...