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Les données de l’effet d’affaiblissement de l’obviation (ou encore référence disjointe du subjonctif) dans la littérature linguistique sont soit fondées sur l’intuition des auteurs soit issues de publications d’autres chercheurs, bien que cet effet soit connu depuis longtemps et bien qu’il fasse partie de plusieurs modélisations théoriques. En conséquence, aucune réponse de nature empirique/expérimentale a été offerte à la question « A quel point les affirmations portant sur l'effet d'affaiblissement de l'obviation sont-elles solides ? ». Cet article se fixe en conséquence un double objectif : (i) mettre en oeuvre un jugement de grammaticalité afin de répondre expérimentalement à la question précédente, et (ii) proposer une analyse syntaxique provisoire des résultats obtenus. Ici, nous étudions six facteurs qui – selon Ruwet (1984/1991) – déclenchent l’affaiblissement. Les résultats montrent que seul un facteur (la coordination) déclenche l’affaiblissement. En conséquence, l’appareil théorique permettant de modéliser l’affaiblissement peut être réduit radicalement, et nous proposons des pistes de modélisation syntaxique n’intégrant que le facteur de coordination
Il existe sans doute peu d’histoire des relations entre deux aires culturelles qui suscite autant d’attention à l’heure actuelle que celle des relations entre « l’Occident » et le « monde musulman ». Elle montre particulièrement bien combien la période que nous qualifions communément de « Moyen Âge » influence les débats actuels. Certains phénomènes de cette histoire sont aujourd’hui si fortement enracinés dans l’imaginaire collectif qu’ils continuent à façonner de manière significative la représentation même de ces relations. C’est le cas en particulier de l’expansion arabo-musulmane, des croisades et de ce que l’on appelle la « Reconquista » : ces phénomènes n’évoquent pas seulement des images de fanatiques religieux, mais ils sont – les croisades notamment – ancrés si profondément dans notre pensée conceptuelle qu’ils sont considérés comme l’expression d’un antagonisme quasi épique entre deux civilisations, au fondement desquelles se trouvent une variante de monothéisme (chrétienté / islam) et une langue sur laquelle repose la vie intellectuelle (latin / arabe). ...
Un tuf volcanique a ete mis en evidence dans trois profils de loess de Hesbaye (Rocourt et Lixhe) et du Limbourg neerlandais (Nagelbeek). Ce tuf correspond probablement ä l'Eltviller Tuff connu en Hesse (SEMMEL 1967). En consequence, cette decouverte permet de comparer directement une partie de la sequence des loess du Pleistocene superieur propre ä chaque region
L’esthétique a grandi dans les bras maternels de la philosophie. Mais la philosophie a toujours le droit de se porter vers l’esthétique sans perdre pour autant de son essence : le philosophe se tournant de tous les côtés pour trouver la signification et le fondement de ce qui est donné n’a pas besoin de détourner son regard des faits esthétiques. S’il veut appréhender en toute rigueur conceptuelle ce qui est et se manifeste en tant que beau, laid, sublime, etc., il doit pouvoir rapporter des constats empiriques (comme par exemple le caractère satisfaisant de certains couples de couleurs) à un concept plus général (par exemple celui d’harmonie), et rapporter ce dernier à son tour à une attitude intellectuelle plus large (disons, celle de la pure contemplation gratuite). C’est par cette réduction progressive aux principes les plus généraux que peuvent apparaître les relations [Zusammenhang] qu’entretiennent entre elles les connaissances singulières, ces dernières pouvant souvent prendre alors un nouveau sens. Grâce à cette méthode, on peut en particulier espérer saisir dans leur dernier fondement le caractère différent des grandes formes de culture que sont la religion, la science et l’art. Si des forces particulières sont à l’œuvre dans chacun de ces trois grands domaines, si des attitudes intellectuelles différentes constituent le préalable à ces formes de culture, il est sans doute aussi possible de définir la fonction rationnelle à travers laquelle l’esprit humain construit le champ de valeur esthétique. Si l’on pose que, dans le plaisir et la création artistiques, le donné est circonscrit et mis en forme par la fonction intellectuelle de la pure contemplation, non seulement l’attitude esthétique s’avère distincte des attitudes religieuse et scientifique mais, en outre, le trait fondamental qui traverse toute la vie esthétique se voit ainsi qualifié. ...
La connaissance du potentiel et de la productivité d'une ressource est une donnée nécessaire à l'élaboration d'une bonne politique de sa gestion. La structure et la productivité des peuplements à Acacia seyal Del. et à Acacia senegal (L) Willd.ont été étudiées dans les formations naturelles de Massenya au Tchad. Sur la base de 32 placeaux de 900 m2 , le diamètre et la hauteur de tous les individus d’espèces ligneuses ont été mesurés. Pour des espèces adultes à port arbustif, le diamètre est mesuré à 50 cm du sol. Les individus juvéniles sont simplement comptés et rangés en classe de hauteur. L’étude de la structure des peuplements et de deux espèces d’Acacia a été réalisée à travers le nombre de tiges à l’hectare et les classes de diamètre. L’Indice de Valeur d’Importance (IVI) a été utilisée pour apprécier la prédominance des espèces sur le site. La productivité des peuplements en gomme a été évaluée en fonction de la production moyenne d’un arbre qui était de 250 g. Les peuplements à Acacia de Massenya sont très denses (619 ± 269 tiges/ha), mais à surface terrière faible (7,10 ± 1,20 m²/ ha) due à un grand nombre d’individus de petit diamètre (11,1 ± 2,2 cm). Ce sont des peuplements généralement arbustif (hauteur de 5,2 ± 0,9 m) avec un bon potentiel de juvéniles (408 ± 267 tiges/ha) pouvant se régénérer naturellement. Toutefois, Acacia seyal semble plus apte à coloniser d’autres milieux qu’Acacia senegal. Sur les sept espèces qui prédominent sur le site, Acacia seyal et Acacia senegal réalisent des IVI plus élevés (respectivement 79 et 54). Les espèces à bon potentiel de régénération sont Acacia seyal (65 ± 8 juv./ha), Acacia senegal (58 ± 10 juv./ha) et Guiera senegalensis (51 ± 8 juv./ha). La production annuelle de gomme est estimée à 56 ± 6 kg/ha de gomme friable (à Acacia seyal) et 41 ± 5 kg/ha de gomme dure (à A. senegal).
Restructuration des répertoires langagiers de migrant·e·s de la République du Congo en Lorraine
(2023)
Cette thèse étudie la complexité du plurilinguisme des migrant·e·s d’origine de la République du Congo en Lorraine à travers le prisme de la restructuration des répertoires langagiers. En affûtant la conceptualisation de la restructuration des répertoires langagiers par l’étude du plurilinguisme des migrant·e·s d’origine congolaise, cette recherche ouvre de nouvelles perspectives pour les recherches portant sur le plurilinguisme, notamment concernant les mobilités transgénérationnelles et la diversité des processus de restructuration façonnant les répertoires langagiers. En se focalisant sur les biographies langagières et migratoires de 15 individus migrants, sur leurs réseaux sociaux et sur leurs ressources langagières, cette étude révèle la diversité des processus et des facteurs au cœur des restructurations des répertoires langagiers à travers une étude ethnographique multi-située en Lorraine et au Congo. La compréhension de la diversité des dynamiques restructurant les connaissances langagières des enquêté·e·s passe par l’étude des situations de socialisation langagière au Congo dans leur historicité, des itinéraires de migration et des restructurations des réseaux sociaux ainsi que des répertoires langagiers dans l’installation en Lorraine. Les participations à la société lorraine et ses groupes sociaux imprègnent les identifications, les orientations sociales et les positionnements dans les réseaux sociaux et vice-versa.
Les répertoires langagiers apparaissent comme des enregistrements de la mobilité des individus et de celle des générations antérieures ainsi que de leur entourage. Les restructurations concernent entre autres les ressources associées au français, aux langues congolaises et à d’autres langues appropriées par la migration. Les ressources du français sont restructurées par les migrant·e·s en s’appropriant les ressources courantes dans différentes situations sociales en Lorraine, en marquant et/ou en dissimulant les ressources appropriées ailleurs et inappropriées dans ces situations. En même temps, un savoir de différenciation des ressources, dont font aussi partie les schémas de catégorisation et les stratégies communicatives, est développé et une (in)sécurité langagière se manifeste. Les ressources associées aux langues congolaises, leurs fonctions sociales et leurs représentations sont restructurées dans des processus d’attrition, d’actualisation, de transformation et d’élaboration langagière. Les ressources associées à d’autres langues européennes appropriées par la migration sont reléguées au second plan et se perdent lentement par manque d’usage. Enfin, les connaissances liées à la gestion du plurilinguisme, de la diversité culturelle et de l’altérité, appropriées dans les mêmes situations de diversité, aident au traitement interne des expériences des mobilités spatiales et sociales ainsi que des restructurations des répertoires langagiers.
Mon intention première était de comprendre la façon dont la République romaine avait sombré. Mais lorsque j’ai examiné dans ce but les explications les plus sérieuses qui avaient déjà été avancées, sa faillite m’a toutefois paru moins étonnante que sa très longue existence. Au point que, progressivement, une deuxième question a pris le pas sur la première, celle de savoir comment cette chose commune [Gemeinwesen], cette res publica amissa avait pu fonctionner si longtemps. Je me suis donc concentré sur sa structure. ...
Raoul Sage
(2010)
Le genre des questions-et-réponses dans la littérature grecque chrétienne se laisse mieux comprendre si l'on le définit comme une série de questions-et-réponses, présentées comme telles (et non comme des lettres ou des dialogues, par exemple) abordant des sujets variés et qui ne se réduisent pas à une seule catégorie de contenu (exégèse biblique ou explications scientifiques, par exemple). Ainsi restreint, le genre des questions-et-réponses dans la littérature grecque chrétienne connaît sa période la plus faste aux Ve-VIIIe s. dans des milieux monastiques ouverts sur les problèmes et les interrogations du monde. Ce genre, d'une grande souplesse et d'une grande vitalité, permet de traiter des questions d'une façon plus accessible et plus libre qu'il ne serait possible de le faire dans une homélie ou un traité théologique.
Postface
(2015)
Enfondant l’Académie française en 1635, le cardinal de Richelieu, Premier ministre de Louis XIII, lui avait assigné deux missions : la création d’undictionnaire de langue française etl'élaboration d’une poétique, d’une théorie littéraire analogue à celles qui existaient en Italie. Assurément, il souhaitait soutenir les écrivains français et leur donner une tribune, mais cette initiative n'était cependant pas exempte de considérations politiques. Bien qu'il n'ait pas envisagé la création d’une académie artistique, Richelieu n’excluait guère, de ses préoccupations, l'art : en 1627, il rappela à Paris Simon Vouet, alors à Rome, dans l’idée de développer un art typiquement français, qui serait indépendant des influences italiennes et flamandes. Il estimait qu’un État territorial modernese définissait toutautant par son art et sa littérature que par sa langue. La fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, dans le contexte tourmenté de la Fronde, par le cardinal Mazarin, successeur de Richelieu, assignait à la nouvelle institution des tâches plus complexes quoiqu'assez voisines de celles de l’Académie française. Il s'agissait non seulement de témoigner de la noblesse de la peinture et de la sculpture, mais également de prodiguer aux générations successives une formation leur assurant de réelles qualités artistiques. ...
Cette étude analyse les stratégies locales de dénomination des espèces végétales par les Mossé des régions du nord, du centre nord, du centre et du Plateau Central du Burkina Faso et leurs perceptions des plantes. A travers des interviews semi directes auprès de 1437 personnes âgées d’au moins 60 ans et des jeunes de moins de 40 ans des différentes localités, l’étude a pu montrer les critères de dénomination, les conceptions que les populations ont des espèces végétales ainsi que l‘impact de ces connaissances dans la conservation de la phytodiversité. 72 espèces au total ont été décrites. Elles sont réparties en 51 genres et 29 familles. Les familles dominantes sont les Commelinaceae et les Fabaceae-Mimosoideae. Dans la taxonomie locale faite sur les plantes en milieu rural Mossé, 16 critères sont utilisés. Les critères les plus cités par la population sont l’usage fait de la plante (94 %), le mysticisme lié à l’espèce (86 %), l’écologie ou le milieu de vie de l’espèce (83 %), la dualité mâle/femelle (83 %), la couleur des organes ou parties de la plante (81 %), l’origine de la plante (80 %), la morphologie foliaire (76 %), la présence d’organes saillants sur la plante (75 %) et le mode de dissémination des fruits ou des graines (74 %). Les noms botaniques attribués aux plantes varient d’une région à une autre. Les populations ont des perceptions vis-à-vis de nombreuses espèces. Ainsi, les espèces comme Stereospermum kunthianum, Calotropis procera, Ozoroa insignis, Faidherbia albida, Maytenus senegalensis et Biophytum umbraculum sont frappées de mysticisme. Elles sont toutes craintes par les populations et sont dans certaines localités à l’abri d’exploitations multiformes humaines. Cela contribue à une meilleure conservation de la biodiversité.
L’école de Frankfort abandonne progressivement les thèses de la philosophie de l’Histoire, dont l’acceptation fournissait une espèce de fondement pour la théorie critique, dans la mesure où l’on pouvait croire aux contenus émancipateurs de la raison inclus au sein même des idées de la société bourgeoise. Nous essayerons de montrer cequi est oublié dans les thèses de la philosophie de l’Histoire à partir de la dialectique du maître et de l’esclave de Hegel, et donc, pourquoi de telles thèses se sont montrées insuffisantes. Enfin, nous chercherons à démontrer que la figure théorique opposée aux thèses de la philosophie de l’Histoire se retrouve dans Über den Begriff der Geschichte de Benjamin. De plus, la récupération d’un tel fondement oublié dans les thèses de la philosophie de l’Histoire détermine, vraisemblablement, la considération morale de la théorie critique habermasienne.
L’œuvre sculptée de Jean-Antoine Étex : l’expressivitée comme source de l’inspiration artistique
(2010)
Elève de Pradier, d’Ingres et de Duban le sculpteur, peintre et architecte Jean Antoine Étex (1808-1888) s'essayait à toutes les formes d'art laissant après son décès une œuvre abondante qui compte plus de 450 ouvrages. Déjà un nombre imposant de ses scupltures sont disséminées dans la capitale de la France. On les rencontre dans des endroits stratégiques de la métropole. Mais aussi beaucoup d’autres villes et musées de la France conservent des ouvrages importants de cet artiste. Parmis les œuvres les plus connues comptent les deux haut-reliefs « La Résistance » et « La Paix » à l’Arc de Triomphe de l’Étoile puis le groupe en marbre « Caïn et sa race maudits de Dieu », chef -d’œuvre de la sculpture romantique, conservé aujourd’hui au Musée de Lyon. En tant que républicain convaincu et adhérent du saint-simonisme, Étex participait activement aux révolutions de 1830 et de 1848 combattant incessamment pour l’instauration de la République. Sous la monarchie de juillet, il avait connu un grand succès et une grande célebrité mais son art fut peu estimé sous le second Empire. Gravement défavorisé par le gouvernement imperial, Étex perdait sa place parmis les premiers artistes de la France et ses œuvres tombaient aussitôt dans l’oubli. Ce présent thèse de doctorat fournit pour la première fois une biographie détaillée et un catalogue raisonné de l’œuvre de cet artiste important. Ses propres écrits (publications et correspondance), les documents dans les archives françaises ainsi que la critique d’art concernant ses œuvres y sont exploités.
La fête peut être décrite comme un mode spécifique d’inclusion sociale qui se distingue par une occasion spécifique, sa mise en relief démonstrative par rapport au quotidien tout comme le caractère collectif et la dimension de représentation ostentatoire qui lui sont propres. Dans la fête se constituent des cadres d’actions tels que la cour princière, la ville, la commune ou la paroisse en tant que structures sociales et politiques. Les fêtes sont des événements de communication dont des actes symboliques définissent clairement la durée, pendant laquelle les activités habituelles du quotidien sont en sommeil. Par l’action commune des participants, des appartenances sont définies, des hiérarchies établies et des valeurs transmises. Mais les fêtes peuvent également servir à se libérer de contraintes, à surmonter des menaces ou à se régénérer après des défis particuliers. Leur caractère extraordinaire est souligné par une mise en scène originale qui doit agir en retour sur le comportement et la disposition mentale des acteurs concernés. Car chaque fête suppose une disposition d’esprit précise des participants, tout comme elle tente de créer une disposition d’esprit spécifique. À la différence des cérémonies, les fêtes sont en général connotées positivement – en particulier parce qu’elles sont associées à des actes de sustentation et d’échange de cadeaux. ...
Le concept d’autorégulation régulée, réponse la plus récente aux défauts, perceptibles depuis longtemps, de la direction impérative de processus sociaux par l’État, n’a pas encore incité les chercheurs à se demander s’il existait, dans l’histoire de l’État constitutionnel, une tradition pour cette forme de régulation. Quand on s’en met en quête, comme les organisateurs de ce colloquea l’attendent de moi, on a du mal à lui découvrir des précurseurs dissimulés. Il est en revanche tout à fait possible de considérer l’État constitutionnel, tel qu’il est né des révolutions de la fin du XVIIIe siècle et s’est développé depuis lors comme un modèle dominant d’organisation sociale, du point de vue de la régulation afin d’éclairer la genèse de ce nouveau concept et de se demander comment il s’inscrit dans la tradition de l’État constitutionnel. ...
L’arrêt Lüth – 50 ans après
(2019)
Même 50 ans plus tard, l’arrêt Lüth, rendu par la Cour constitutionnelle fédérale le 15 janvier 1958, n’a rien perdu de son actualité. Il confère durablement à la liberté d’expression un rang primordial pour le débat public démocratique et marque le point de départ du développement d’une dogmatique des droits fondamentaux spécifiquement allemande, à l’origine d’un renforcement des compétences et de la puissance particulières de la Cour constitutionnelle fédérale. Les raisons qui expliquent l’approche particulière de résolution de conflits entre droits suivie dans l’arrêt Lüth ne laissent pas présager un abandon de cette jurisprudence, abandon qui ne serait d’ailleurs ni souhaitable ni réaliste.
Le cadre du programme interdisciplinaire de recherche défini par Max Horkheimer dans les années 1930 doit beaucoup à Erich Fromm, qui a introduit la psychologie sociale dans la Théorie critique de la société. Or, une décennie plus tard, Fromm est la cible privilégiée des attaques et sa théorie apparaît désormais comme incompatible avec les positions défendues par Horkheimer et Adorno. Partant de ces tensions qui ont marqué l’histoire de l’École de Francfort, le présent article vise à éclaircir le déplacement qu’elles traduisent sur le plan épistémologique. Si Horkheimer et Fromm partagent des prémisses communes, le premier, dans son travail avec Adorno, se rapproche de manière croissante de la doctrine freudienne alors que le second s’en éloigne. Nous voudrions montrer que l’accord entre Fromm et Horkheimer fut surtout négatif puisqu’il portait sur la critique de Freud : les divergences entre les deux penseurs apparaissent clairement, dès lors qu’on pose en profondeur la question de l’usage de la psychanalyse pour analyser l’un des problèmes centraux de la théorie de la société, l’antagonisme entre individu et société.
Le constitutionnalisme est un phénomène relativement récent dans l’histoire des institutions politiques. Il a émergé au cours des vingt-cinq dernières années du XVIIIe siècle, à la suite de deux révolutions menées avec succès contre le pouvoir en place, la première dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord, la seconde en France. Immédiatement perçu comme une avancée majeure, le constitutionnalisme n’a pas tardé à exercer également son pouvoir d’attraction en dehors des pays où il est apparu. Partout en Europe, et ensuite dans d’autres parties du monde, des tentatives pour mettre en place des constitutions modernes virent le jour. Tout le XIXe siècle fut traversé par les luttes pour une constitution, et le XXe siècle fut une période de sérieux revers, avant qu’au tournant du XXIe siècle, le constitutionnalisme ne finisse par accéder à une reconnaissance mondiale. De nos jours, seule une poignée d’États, parmi les quelque deux cents que compte le monde, ne possède pas de constitution. ...
Dans l’image traditionnelle des « religions orientales », forgée dans ses caractéristiques essentielles par Franz Cumont, les villes portuaires jouent un rôle important en tant que centres de distribution. Cumont considérait comme tout naturel que les dieux du Levant aient suivi les grands flux commerciaux et humains de l’Orient vers l’Occident. Les marchands orientaux, qui constituaient le principal groupe mobile, avaient selon lui fait office de « missionnaires » dans les villes portuaires occidentales. ...
Les tâches d’une sociologie de la culture ne peuvent être définies sans prendre en considération la situation générale de la discipline. La conception dominante veut que la société puisse être définie par son organisation extérieure, par les divisions qui sont partout manifestes dans la vie sociale et qui sont aujourd’hui désignées sommairement comme sa structure. Ce concept de société, nous aurons à le montrer, est davantage le produit de différentes circonstances contingentes qu’il ne se fonde sur une décision de principe ou sur des preuves empiriques. Quoi qu’il en soit, il en résulte, en pratique, que la société est identifiée avec sa structure et que la sociologie, par suite, est réduite à une analyse de cette dernière. Cette conception de la société ne laisse pas de place à la culture comme donnée autonome ; la sociologie de la culture, de ce fait, en est réduite à la portion congrue. ...
Le fait de savoir si le Saint-Empire romain germanique constituait un État est, en soi, une question peu stimulante, la réponse dépendant qui plus est des représentations fondamentales que l’on se fait de l’État. La recherche allemande, obsédée par le modèle de l’État national souverain, s’est accordée à penser pendant près d’un siècle et demi et en dépit de toutes les ruptures institutionnelles que l’Empire ne formait pas un État. En référence à cette tradition, l’introduction du concept d’« Empire-État complémentaire » (« komplementärer Reichs-Staat ») a mis en émoi une partie de la communauté des historiens modernistes germanophones, tandis qu’une autre part accueillait avec sérénité ou bienveillance ce nouveau modèle interprétatif. On pourrait ce faisant et en s’appuyant sur l’historicité de la formation de « l’État » procéder à l’analyse de l’Empire à partir de divers modèles. Mais une telle approche n’est pas sans conséquences sur l’appréciation de l’histoire allemande dans son ensemble. Définir l’Empire comme État et nation bouscule sensiblement le « grand récit » traditionnel : l’écart par rapport à une voie réputée normale de l’histoire européenne a jusqu’à présent conféré au passé allemand une signification pourvue d’une finalité tantôt légitimante tantôt déstructurante, mais toujours facteur d’intégration politique. Le concept d’Empire-État complémentaire ébranle l’idée de la singularité de l’histoire allemande moderne* sur un point capital, car il facilite la comparaison avec d’autres pays et oblige à considérer l’Allemagne comme partie prenante de l’Europe des États modernes. La notion d’Empire-État complémentaire ne peut dès lors servir ni de point de départ d’une « voie allemande particulière », ni d’archétype ou de modèle supra-étatique et supranational, ou d’équivalent fonctionnel de l’Europe contemporaine. ...
Ce travail, dont le titre est : Le modèle d’immersion réciproque en question : enseigner en classe bilingue à New York et à Francfort / Das Two-Way-Immersion Modell im Fokus: Zweisprachig unterrichten in New York und Frankfurt/Main, a pour objectif de répondre à la problématique suivante : Comment la conceptualisation du modèle d’enseignement bilingue d’immersion réciproque influence les pratiques éducatives (didactiques et pédagogiques) des enseignants, et pourquoi?
Afin de répondre à cette question, j’ai choisi d’étudier un modèle bilingue spécifique, le modèle bilingue d’immersion réciproque (ou « Two-Way-Immersion ») qui, dans la façon dont il intègre deux groupes d’élèves locuteurs de différentes langues qui apprennent les uns des autres, m’a semblé reposer sur une conceptualisation de l’enseignement bilingue dépassant une vision monolingue de ce dernier. Je montrerai dans la thèse, qu’en réalité, un même modèle peut se décliner différemment selon les choix didactiques et pédagogiques et selon les contextes de sa mise en œuvre et que seule une analyse approfondie peut permettre d’en révéler toute la complexité. À cette fin, j’ai observé des classes bilingues à New York et à Francfort, classes qui ont ensuite constitué mon terrain d’étude.
La thèse est organisée en 5 chapitres. Le premier chapitre propose un passage en revue de la littérature scientifique sur l’enseignement bilingue dans divers contextes. Le deuxième chapitre est consacré à la méthodologie de recherche que j’ai choisi d’utiliser pour explorer la complexité de mon objet de recherche. Les deux chapitres suivants proposent une analyse sociolinguistique de chaque contexte, New York (3) et Francfort (4). Le dernier chapitre, (5), est consacré à l’analyse des données récoltées (des entretiens, des observations de séances, des documents d’élèves et divers documents pédagogiques). Mon objectif, dans ce chapitre, est de montrer comment les orientations influencent les choix didactiques et pédagogiques des enseignants et ont un impact sur les pratiques de classe.
Les trois auteurs et voyageurs étudiés dans cet article (Albert Londres, André Gide, Michel Leiris) ont prêté leurs voix à l’anticolonialisme. Ils ont critiqué les effets du colonialisme européen en Afrique noire de la fin des années 1920 au début des années 1930. Toutefois, pour des raisons diverses allant d’aspects institutionnels aux sensibilités personnelles, leur engagement ne paraissait pas tout à fait le bienvenu, d’où leur hésitation à placer la parole politique au premier plan et à assumer le rôle d’intellectuel engagé. Ils ont alors justifié leur démarche par l’expérience personnelle et singulière du voyage et par l’urgence du sujet de leurs récits. Les formes littéraires qui en résultent (grand reportage, journal intime de voyage, journal ethnographique) ont profondément modernisé le genre du récit de voyage dans un moment critique de son évolution.
The paper discusses the problem of the possible relation between psychoanalytic concepts and social critique in the perspective of Adorno's social thought. The title refers to Adorno's idea that psyche as individual spontaneity has now lost the weight it used to have in the liberal era. As a brief introductory remark, I clarify the status of theory for Adorno, i.e., the circularity between interpretation and description as grounded by the nature of the social object itself. Then I analyse his core idea of “social objectivity” as an impersonal mechanism which is at the same time produced by men and reified, heteronomous for them, and I argue that, for Adorno, the discontinuity existing between individual and society prevents an immediate shift of psychoanalytic concepts to the social world: the example of fascism clearly proves that the determining social forces today, while instrumentally exploiting deep psychical materials, are not themselves psychological. In the final part, I show how, for Adorno, psychology and sociology nevertheless need to be mediated with each other, while avoiding the superficial synthesis the so-called “revised psychoanalysis” aims to, and I point out some similarities between psychoanalytic practice and social critique as conceived by him.
Depuis le milieu des années 1970, on assiste dans le monde entier à un retour en force des thématiques et problématiques relatives à la culture dans le champ de la sociologie. Ce regain d’intérêt va de pair avec le déclin croissant de la tradition, d’inspiration avant tout marxiste, de la théorie de la société, et s’inscrit dans un cultural turn global,qui a eu ces dernières années des répercussions sur la plupart des disciplines universitaires. ...
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la révolution industrielle s’impose en Allemagne, l’époque de la démocratie égalitaire commence avec le suffrage universel et la naissance des partis, et s’établit, depuis les années 1880, ce que l’on a appelé l’État interventionniste. Ces trois processus sont liés mutuellement, et ils sont ensemble à l’origine d’un quatrième phénomène : le droit administratif et la discipline théorique lui correspondant. ...
La musique et le rêve
(2010)
Adorno, in his posthumous work Beethoven. Philosophy of music, grasps the deep relationship between music and dream: “we are in music, as well as we are in dream”. Music is the coming of a non-intentional truth, that is never caught by images and words. In the same way, dream follows the logic of a non-giudicatory synthesis and is incompatible with the category of dialectical totality: in dream, truth announces her-self as it fades out. According to Adorno, the dimension of opening typical to dream and music collides with the pretension of philosophical discourse that aims at the total revelation.
Que doit nous apporter une histoire culturelle (Kulturgeschichte) du politique ? Elle ne doit pas se laisser réduire à une science sectorielle, découpée sur le modèle du camembert statistique, mais nous ouvrir, au contraire, une perspective vers le global. Ce « global », que l’on peut assimiler de façon assez vague au politique, elle ne doit pas seulement le présenter sous un autre éclairage, mais aussi l’expliquer de façon plus satisfaisante que les approches conventionnelles. Et elle devrait s’aventurer dans les domaines plus « durs » de l’histoire politique et de l’histoire constitutionnelle, c’est-à-dire des processus macro. C’est à un tel processus macro-historique, qui appartient de surcroît aux thèmes classiques de l’histoire politique et de l’histoire constitutionnelle, que je m’intéresserai : à la formation de l’État, plus exactement, à la formation de l’État au niveau provincial, et particulièrement à ce que l’on pourrait appeler l’intégration territoriale, soit l’annexion de territoires nouvellement acquis. Cette intégration territoriale est un processus fondamental dans une histoire marquée par la régression du nombre d’États en Europe à l’époque moderne : des plus de 500 entités politiques indépendantes que comptait l’Europe au début de l’époque moderne, il n’en restait plus que 25 en 19001. Les autres, soit tout de même quelques centaines d’États, ont été « avalés » par les vainqueurs dans cette course à la résorption étatique : tout d’abord prise de possession par mariage, héritage ou conquête, puis intégration dans les structures du système de domination existant. Mais le fonctionnement de cette intégration n’a guère été étudié pour le début de l’époque moderne. A fortiori, la littérature disponible sur ce thème ne propose aucun modèle permettant d’expliquer ces processus à leurs différents niveaux. La responsabilité en revient à un modèle micro-macro classique, que l’on ne peut résoudre, telle est ma thèse, que par une histoire culturelle du politique, plus exactement par l’élargissement de la recherche conventionnelle grâce au concept de culture politique. ...
Cette recherche retrace l’histoire de la fondation des musées en France englobant les périodes du Directoire, du Consulat et de l’Empire. Cette création des musées se fait à travers des envois gouvernementaux de tableaux à plusieurs villes périphériques. Elle est intimement liée au dit « Décret Chaptal », l’arrêté consulaire du 14 fructidor an IX (1er septembre 1801) qui lance quinze envois dans différentes villes dont Bruxelles, Genève et Mayence, alors considérées comme parties intégrantes du territoire national. Ma thèse est présentée en trois parties, pour valoriser le rôle singulier de Chaptal. Le dépouillement des archives fournit un récit détaillé des prémices de cette politique, de la conception du texte et de la mise en œuvre de cet arrêté avant, pendant et après le Ministère Chaptal. Leur analyse ouvre des perspectives nouvelles sur la politique muséologique initiée par Chaptal dans la continuité des Lumières.
Depuis sa naissance, notre science est restée fidèle dans son évolution à une idée, celle qui veut que la jouissance et la création esthétiques, la beauté et l’art soient indissociables. L’objet de cette science peut présenter des formes diverses, mais il est homogène. L’art est considéré comme la représentation du beau réalisée à partir d’un état esthétique et perçue à travers une attitude comparable ; la science de ces deux états psychiques ainsi que du beau, avec ses modifications, et de l’art avec ses genres, le tout constituant une entité unique, porte un seul nom, celui d’esthétique. ...
Introduction
(2010)
La présente anthologie est née d’une discussion qui a été soulevée en 2008/2009 au Centre Allemand d’Histoire de l’Art à Paris. Le Centre établit son programme de bourses, ainsi que celui des conférences et colloques qui ont lieu parallèlement, en fonction d’un thème annuel. Mené par Danièle Cohn et moi-même, le projet de cette année visait à étudier les rapports entre histoire de l’art et histoire de la philosophie, tout en interrogeant, autant d’un point de vue historique que de celui de la pratique contemporaine, les lignes de démarcations ainsi que les synergies qui s’opèrent entre ces deux champs disciplinaires. Lors des « ateliers de lecture » dirigés par la coordinatrice scientifique du thème annuel, Tania Vladova, les étudiants boursiers, francophones et germanophones issus des deux disciplines, ont procédé à la lecture et à l’interprétation de textes qui ont trait à cette thématique centrale. Ils ont ainsi pu élaborer les bases d’une discussion commune, la richesse des expériences qu’ils ont faites dans ce cercle de lecture ayant stimulé la réflexion. C’est ainsi qu’a germé l’idée d’une publication rassemblant des essais écrits durant une phase de discussions décisive et respectivement traduits dans « l’autre langue ». Ces essais revêtent une importance majeure au vu de la problématique traitée, d’autant que celle-ci a durablement marqué la recherche scientifique allemande, aussi bien que la recherche française. ...
Histoire et contes des Mossi
(1986)
Heinrich Kalteisen
(2014)
The Frankfurt School has often been associated to the project of “marrying” Freud’s psychoanalysis with a Marxian critique of capitalist societies. This article offers however another version of the link between Critical Theory and psychoanalysis. After having briefly sketched the notion of a “critical theory of society”, the Author shows how a critique of modern capitalist societies and Freudian psychoanalysis actually meet at a “methodological” level for which the marriage between Hegel and Freud seems to be the relevant one. As a conclusion, the Author contrasts two kinds of social critique that can be found in the Frankfurt School, which are deeply linked with the first and the latest generation of the Frankfurt School considered in their relation to
psychoanalysis.
Cette étude avait pour objectifs: 1) d’identifier et de caractériser les acteurs impliqués dans la filière des produits à usage médicinal tirés de Cordyla pinnata, Detarium microcarpum et Detarium senegalense au Sénégal; 2) d’analyser l’organisation de cette filière et l’importance des parties utilisées; 3) d’analyser la commercialisation de ces produits; 4) d’identifier les forces, faiblesses, opportunités et menaces de la filière. L’échantillonnage en boule de neige a été utilisé et a permis d’interroger, à l’aide de guides d’entretien 13 tradipraticiens locaux, 3 récolteurs et 17 herboristes. Les résultats ont révélé que les acteurs de cette filière, majoritairement des hommes, entretenaient des relations de coopération et qu’ils béné- ficiaient de l’appui de la société civile en termes de formation et d’organisation. Les racines et les écorces de Cordyla pinnata et Detarium microcarpum étaient plus utilisées tandis que celles de Detarium senegalense étaient peu commercialisées. Les écorces, les racines et les feuilles étaient vendues entre 0,108 et 0,290 Euro/100g. Une partie des écorces était transformée en poudre avant d’être commercialisée chez les herboristes entre 1,046 Euro/100g (pour Cordyla pinnata) et 1,524 Euro/100g (Detarium microcarpum). Les prix étaient plus élevés à Dakar. Les parties tirées de Cordyla pinnata étaient essentiellement utilisés contre les parasitoses intestinales tandis que celles de Detarium microcarpum et dans une moindre mesure celles de Detarium senegalense servaient à soigner les dermatoses. Les faiblesses de cette filière concernaient essentiellement l’exploitation anarchique de la ressource et la raréfaction saisonnière de certains produits tandis que l’éloignement des sites d’approvisionnement menaçait son bon fonctionnement.
Déterminants de l’utilisation de Acacia auriculiformis comme bois d’œuvre en Afrique de l’Ouest
(2020)
Acacia auriculiformis, un bois énergie, suscite de plus en plus des intérêts de bois d’œuvre au niveau des industriels de bois au Bénin. L’appréciation des performances de l’espèce dans les usines et en plantation est déterminante pour la vul- garisation de l’espèce comme alternative pour mitiger la déforestation en lien avec la demande en bois d’œuvre. L’objectif principal de ce travail est donc d’évaluer les conditions entourant l’adoption de Acacia auriculiformis comme espèce de bois d’œuvre au Bénin, Afrique de l’Ouest. Au total, 154 usines de bois et 25 plantations ont été enquêtées dans les zones abritant les plantations à A. auriculiformis. A. auriculiformis est l’espèce la plus fréquente dans les usines de bois (81%) suivie de Afzelia africana (55%), Tectona grandis (47%) et Khaya senegalensis (47%). Les superficies des plantations à A. auriculi- formis ont augmenté entre 1999 et 2019. Les connaissances sur l’utilisation de ce bois sont variables dans la zone d’étude. Le bois de A. auriculiformis est apprécié comme bois d’œuvre parce qu’il présente une couleur esthétique, un séchage rapide, une facilité de mise en œuvre, une imprégnabilité élevée, une densité moyenne à élevée et un bel aspect après mise en œuvre. Cependant, son bois fournit beaucoup de sciure, a beaucoup de nœuds et présente une déformabilité moyenne. Sa disponibili- té et son accessibilité sont les principaux facteurs justifiant la préférence de l’espèce par les industriels de bois d’œuvre. Cette forme d’utilisation de l’espèce est également remarquée au Togo, en Côte d’Ivoire. L’espèce présente une bonne perspective d’utilisation comme bois d’œuvre.
Le xviiie est le siècle de la révolution constitutionnelle moderne. Les droits de l’homme et du citoyen y furent proclamés, et le droit ancré dans la démocratie. Les choses ont commencé dans quelques États d’Amérique, leur unification a suivi, mais l’événement à proprement parler dramatique, qui allait faire de la révolution constitutionnelle un événement irréversible, fut la Révolution française de 1789. Revendiquer des constitutions fut l’élément dominant du xixe siècle, tenir la promesse de réaliser les droits de l’homme et la démocratie celui du xxe siècle. L’arc se tend sans peine de 1789 à 1989, et même après, il n’y a pas d’issue visible, pas d’alternative en vue. Même le vent froid de la globalisation n’a pas fait pâlir les espoirs utopiques orientés vers la démocratie et les droits de l’homme. ...
Concepts historiques du capitalisme industriel avancé : « capitalisme organisé » et « corporatisme »
(2018)
Les économistes comme les spécialistes de sciences sociales semblent largement s’accorder sur le fait que le capitalisme industriel est entré à un moment donné dans une phase avancée de son développement, tout particulièrement dans ses variantes que l’on observe en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord et au Japon. Que le capitalisme se situe encore à cette étape, ou qu’il l’ait entre-temps déjà dépassée et laissée à nouveau derrière lui, il se différencie à tout le moins de la phase antérieure (ou bien des phases antérieures), à laquelle on peut rattacher le début d’une première industrialisation et l’avènement de l’industrialisation massive (Hochindustrialisierung). ...
Marco Revelli, un des acteurs de l’occupation de l’université de Turin en 1967, est aujourd’hui professeur de sciences politiques de cette même université. Il a publié de nombreux livres et textes sur le fordisme et le post-fordisme. Cet entretien a été réalisé à l’automne 1997 par Dario Azzellini pour la revue berlinoise Arranca ! : la revendication du revenu garanti ne pouvant se comprendre qu’à la lumière des mécanismes du marché du travail, il nous a semblé important de publier cette description claire, rapide et jusqu’à présent inédite en français, des tendances actuelles liées à la phase post-fordiste - entre autres choses, la centralité toujours plus forte du précariat et la faillite nécessaire des institutions syndicales. Propos traduits par Irène Bonnaud. ...
Au Tchad, à cause de ses retombées financières une attention particulière est prêtée aux arbres à karité (Vitella- ria paradoxa C.F.Gaertn.). Cependant, cette culture est menacée par les plantes vasculaires parasites de la famille des Lo- ranthaceae. La présente étude a été effectuée dans 3 sites dans la région du Mandoul pour évaluer l’ampleur des attaques de Loranthaceae (gui africain) sur des arbres en fonction des classes de circonférence du tronc à 1,5 cm du sol. Elle a consisté à dénombrer sur une de surface, les arbres à karité infestés et les touffes de parasites rencontrées sur ces arbres, afin de dé- terminer leur taux et leur intensité d’infestation. Les résultats obtenus montrent que Tapinanthus dodoneifolus (DC) Danser a été trouvée comme la seule espèce de Loranthaceae qui parasite les arbres karité étudiés dans la zone d’étude. Le taux moyen d’infestation estimé à 73% augmente avec l’âge des arbres karité. La moyenne d’intensité de l’infestation/arbre (2,75 touffes à Békôh, 2,27 à Yomi and 2,04 à Bébopen) montre que Tapinanthus dodoneifolus constitue une réelle menace pour les peu- plements de karité dans la zone d’étude. Il reste à rechercher le seuil d’infestation qui provoque une réduction significative de la fructification. Pour l’instant, bien que pénible à cause de la hauteur des arbres adultes, la lutte mécanique contre les Ta- pinanthus par la coupe systématique des branches infestées est urgente dans les parcs à karité dans cette zone d’étude.
Cet article cherche à rapprocher les pensées de Louis Althusser et de Theodor W. Adorno autour de trois grandes questions : le primat de la théorie, la théorie de la société et de l’histoire, et la critique du sujet. Dans chaque cas, il s’agit de mettre en évidence les points communs entre les deux penseurs tout en soulignant leur désaccord fondamental en ce qui concerne la manière dont chacun se rapporte à la philosophie de Hegel. Là où Althusser vise à repenser le marxisme sur des bases non hégéliennes, Adorno veut au contraire revenir à Hegel pour ressourcer le marxisme en temps de crise.
L’intérêt des médiévistes pour les phénomènes d’arbitrage et de résolution des conflits n’est pas nouveau. Il n’est donc pas surprenant que le présent volume, qui réunit les contributions d’un colloque organisé en l’honneur de Hanna Vollrath, fasse explicitement référence à une »étude séminale« qui fut publiée il y a presque trente ans: il s’agit d’une étude de Vollrath sur »Le Moyen Âge dans la typologie des sociétés orales«. L’ensemble des contributions du présent volume confirme la fertilité de ce texte, qui a contribué à déclencher l’analyse des comportements rituels dans la recherche médiévistique allemande qu’elle continue visiblement à inspirer. ...
En 2008, le médiéviste Valentin Groebner réfléchissait dans un essai visant un large public sur le rôle du Moyen Âge et de l’histoire médiévale dans les sociétés contemporaines. Selon ses propres dires, cet essai intitulé »Le Moyen Âge ne finit pas«résultait d’une inquiétude devant le décalage croissant, et quelque peu paradoxal, entre l’immense popularité dont cette époque jouit auprès d’un public toujours plus nombreux – »foires médiévales«, romans et films historiques, jeux vidéo – et la marginalisation progressive des études académiques correspondantes (cf. le compte rendu critique de Ludolf Kuchenbuch dans la revue »Rechtsgeschichte – Legal History 20 (2012)«.De fait, et même si ces réflexions ne sont pas entièrement nouvelles, il semble que les publications se multiplient qui traitent de la genèse, du développement et des différents rôles de l’»histoire médiévale«, des différents »Moyen Âges«construits au cours de l’époque moderne ainsi que de la valeur de l’analyse scientifique de cette époque lointaine pour le monde contemporain. Mais faut-il y voir un signe du désarroi des médiévistes, ou plutôt celui d’un renouvellement et repositionnement des études médiévales face aux questions d’aujourd’hui? ...
Avec le présent fascicule, le Mittelalterzentrum (Centre d’études médiévales) de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften (BBAW) inaugure une nouvelle série: une fois par an, le centre organisera une conférence publique qui sera ensuite publiée sous ce format. Dans la préface, Michael Borgolte, porte-parole du Mittelalterzentrum, indique que le centre a choisi ce format afin de mettre en relief la contribution des disciplines médiévistes au travail de la BBAW, mais aussi afin de promouvoir la réflexion des disciplines concernées sur leur propre position et d’animer le dialogue et les contacts interdisciplinaires. Bref, il s’agit de montrer, entre autres, l’actualité des recherches médiévistes – et le choix du premier conférencier n’aurait pu être meilleur: Otto Gerhard Oexle, ancien directeur du Max-Planck-Institut für Geschichte à Göttingen, réfléchit et écrit depuis longtemps sur le travail des historiens et ses implications théoriques, mais aussi sur le rôle social de l’histoire en général dans les sociétés contemporaines. Il met tout particulièrement l’accent sur le rôle constitutif que jouent le Moyen Âge et les images que nous nous en faisons pour la mise en place de la »modernité«.
À la différence du milieu universitaire français, l’existence d’une véritable »culture des manuels« dans les sciences historiques en Allemagne constitue un phénomène tout récent. Certes, il existe depuis longtemps des ouvrages fondamentaux qu’on utilise parfois depuis plusieurs générations d’étudiants. Or, la plupart de ces manuels au sens strict du terme visent avant tout la transmission des méthodes et de la théorie du travail d’historien avec un fort accent sur les »sciences auxiliaires«. En ce qui concerne les grands traits de l’époque médiévale, les étudiants furent longtemps obligés de consulter des ouvrages spécialisés qui étaient grosso modo les mêmes qu’utilisaient les chercheurs dans leur travail quotidien: le célèbre »Gebhardt« qui servait de catalogue de faits et de dates en histoire allemande, le »Handbuch der europäischen Geschichte« de Schieder ou bien les volumes sur l’histoire de certaines dynasties, parus chez Kohlhammer. S’ajoutent à ces ouvrages la série »Oldenbourg Grundriss der Geschichte« qui vise avant tout un public d’étudiants mais qui contient des bibliographies également fort utiles pour les chercheurs, ainsi que l’»Enzyklopädie deutscher Geschichte« qui paraît aussi chez Oldenbourg depuis la fin des années 1980 et dont les volumes (l’éditeur en envisage 100) se concentrent sur des sujets choisis de l’histoire allemande. ...
Cet ouvrage issu de la thèse de doctorat de Michaela Stark se présente avant tout comme un outil utile pour qui s’intéresse à l’iconographie des dieux et particulièrement des enfances divines. En se limitant aux périodes archaïque et classique, l’auteure a ainsi établi un riche corpus de près de deux cents cinquante-cinq représentations iconographiques de mythes grecs dans lesquels des dieux et des héros sont figurés en enfants. Publié entre la conclusion et la bibliographie sous la forme de notices détaillées, ce catalogue constitue presque un tiers de l’ouvrage avec près d’une centaine de pages et présente toute l’ampleur du travail fourni par Michaela Stark. Chaque représentation étudiée y est décrite de manière précise et accompagnée d’une bibliographie conséquente. Même si l’on peut s’étonner que l’auteure n’ait pas intégré à son étude l’iconographie d’Érichthonios ou de Persée enfant en choisissant de se limiter pour les enfances héroïques à Achille et Héraclès, ce catalogue offre néanmoins au lecteur un panorama relativement complet des représentations d’enfances mythologiques. Le reste de l’ouvrage divisé en quatre chapitres propose une étude typologique et analytique du corpus ainsi réuni. ...
Le présent volume, issu d’un colloque à l’université de Münster en novembre 2009, se situe au carrefour de trois champs thématiques dont aucun ne constitue, en soi, un sujet dont on pourrait prétendre qu’il aurait été jusqu’alors inconnu ou négligé de la recherche scientifique: ni l’amitié, ni le don, ni même la notion de réseaux (sociaux) ne surprennent ainsi dans le contexte des études récentes sur l’histoire sociale et politique du Moyen Âge. C’est la combinaison des trois aspects qui promet l’ouverture de nouvelles pistes. En outre, comme le constate Michael Grünbart dans son introduction (p. XIII–XXV), les approches se concentrant sur les actions ritualisées, qui constituent un courant important au sein des études médiévales, sont moins présentes dans les études byzantinistes. D’où la volonté d’appliquer ces méthodes au monde byzantin dans une perspective comparatiste (p. XIV–XVI). ...
L’introduction de cet ouvrage rappelle que l’un des critères plus ou moins explicites de différenciation entre la modernité et ce qui la précède et entre la démocratie et les formes traditionnelles d’exercice du pouvoir est précisément la place tenue par les rites, cérémonies et autres gestes significatifs par eux-mêmes. La cérémonie serait par essence plutôt surannée, vue d’une manière péjorative. Le Centre d’études médiévales de Berne (Berner Mittelalter Zentrum/BMZ) a rassemblé plusieurs chercheurs, dans les années 2005–2006, autour de ce thème. Les organisateurs présentent en introduction une riche problématique dans laquelle ils rappellent tout ce qu’ils doivent spécialement à Gerd Althoff et à Jean-Claude Schmitt. On signalera en particulier l’attention portée à l’histoire de l’art et à l’histoire religieuse dans un souci de cohérence globale. Les contributions viennent de spécialistes de différents domaines et sont regroupées sous différentes sections: »Méthodologie«, »Liturgie«, »Droit«, »Politique« et, enfin, une réflexion conclusive à partir de données linguistiques. ...
L’ouvrage à présenter réunit les contributions de la dernière d’une série de conférences organisées par le Max-Planck-Institut für Geschichte en collaboration avec la Mission historique en Allemagne, le British Council et la Polska Misja Historyczna. Il conclut un tour d’horizon sur la question de »La mémoire culturelle des sciences [historiques] à l’époque moderne« qui restera, malheureusement, à jamais incomplet sous forme de livre, les actes de la deuxième conférence »Justice, pouvoir et violence au Moyen Âge« n’ayant pas été publiés. Mais on ne regrettera pas seulement l’absence du deuxième volet dans ce triptyque: avec la fermeture en 2006 du seul Max-Planck-Institut consacré à l’histoire générale, une coopération fertile entre les instituts historiques de plusieurs nations touche désormais à sa fin. Ceci est d’autant plus regrettable que la communauté internationale des historiens, et en particulier des médiévistes, à Göttingen avait su créer un lieu de contacts et d’échanges fertiles. ...
Cette somme (722 pages!) est une double synthèse sur une double recherche, celle d’une source et celle d’une institution: les comptes de fabrique médiévaux. L’auteur prend bien soin, à bon droit, de ne pas dissocier son objet: il n’est point de fabrique sans comptes ni de comptes sans fabrique dans la paroisse médiévale. L’étude érige dès lors la fabrique en observatoire de trois phénomènes à la fois financiers, institutionnels, sociaux et spatiaux: l’administration même de l’église par la fabrique, son insertion dans le tissu et la société de la ville, les relations sociales et culturelles de ses membres non seulement entre eux mais aussi avec les autres communautés et regroupements de la cité. L’analyse progresse par cercle concentrique en partant d’abord de la source, constituée non en produit de l’activité des médiévaux ou en simple matériau pour les médiévistes, mais en témoin et facteur d’une construction sociale et culturelle; pour rejoindre le cercle des personnes de la fabrique en passant par son organisation d’abord, ses œuvres ensuite (tant monumentales que sacramentelles) et ses finances enfin. ...
Au milieu du beau livre d’Anna Karla, le lecteur tombe sur les réflexions du général François-Amédée Doppet qui, dans sa préface aux »Mémoires politiques et militaires«(1797), rapporte les conditions nécessaires pour écrire une histoire véritable de la Révolution française. À son avis, il faudra un écrivain impartial, éloigné du chaos des événements, qui, tout d’abord, rassemblera tous les souvenirs écrits par les protagonistes de la Révolution, jusque-là encore dominés par l’esprit de parti. Seul cet écrivain pourra, avec l’impartialité de l’historien, extraire de ces mémoires une histoire complète des bouleversements révolutionnaires. La vérité sur la Révolution, donc, ne pourra être formulée que longtemps après la fin de celle-ci. ...